Saturday, April 27, 2013

Le sauna à bois



Préparer un sauna à bois est une tranche d’art de vivre, une cérémonie bien réglée qu’il faut répéter à loisir pour en saisir toute la substance. Lorsqu’un ingénieur à conçu un sauna dont il suffit d’appuyer le bouton pour qu’il se prépare, il a tué une part essentielle de l’âme finnoise.

Il s’agit d’abord de couper au plus fin des buchettes qui s’embraseront rapidement. Et là déjà, il faudrait connaître le sauna en question, histoire de savoir comment il tire, combien il chauffe. Certains, il faut les gaver de petites buchettes pendant une heure pour avoir la moindre vapeur, la moindre löyly. D’autres produisent une chaleur étouffante après avoir brûlé quelques grosses buches en à peine une demi-heure.
Donc faut penser à tous ça devant le billot, mais la règle générale est que plus petites sont les buchettes, meilleur il sera. Cette pensé en tête, j’abats la hache de petits coups précis en anticipant le plaisir à venir : jeter de l’eau sur les pierres du fourneau, entendre la vapeur siffler et peut-être en apercevoir les volutes montées avant de recevoir ce vent brulant qui semble vouloir tout purifier, chaque recoins, chaque pore de la peau. Mais toujours est-il qu’en cette instant, il s’agit de trancher, de ramasser les buchettes aussi vite que possible pour éviter qu’elles prennent l’humidité et en faire un tas suffisant.

Aller chercher de l’eau, seau après seau, d’un lac, d’un ruisseau ou d’un tonneau qui récolte l’eau de pluie. En prendre assez. La nature offre avec parcimonie sous ces latitudes, mais dans le sauna, on oublie ça, on veut trop de chaleur, de l’eau chaude à volonté et ne pas s’en préoccuper du moment qu’on y entre.
Puis faire les feux, un pour les pierres et un pour l’eau. Il s’agit de refaire à chaque fois ces gestes préhistoriques. Un assemblage du bois le plus fin, extrêmement bien aéré, au dessus d’une amorce de papier, d’écorce de boulot ou d’au allume-feu (oh la triche !). Bien nourrir ces embryions de feu, ajouter lentement des plus gros morceaux pour les sécher et les chauffer progressivement. Quand un feu suffisamment puissant brûle, ajouter du bois plein la gueule du fourneau et espérer que le feu se propage en fournaise.

J’écoute l’intense bruit de l’air aspirer goulument par le brasier, chauffé vers les 800°C et éjecté à toute vitesse par le conduit de cheminée. Encore quelques minutes et je peux appeler amis ou parents à partager ce sauna si cérémonieusement préparé. Je m’écrase sur le bois des bancs dans la douce brulure du sauna à écouter la conversation sur fond de ronflement de fourneau et une douce satisfaction se répand en moi, le plaisir d’avoir préparé ce moment de partage de mes propres mains.
27.04.2013

Sauna de l'île Gåsgrund dans l'archipel d'Espoo, Finlande.

Thursday, April 11, 2013

Jazz week!



Retour à Cully pour une semaine d'amitié, de jazz, de paysage fulgurant et ... de poubelles.
 
Car je suis un poubelle boy, rodant les matins gris dans Cully avec mon crew et débarrassant les souvenirs des festivités de la veille. Selon, l'endroit, harasses pleines de bouteilles de blancs, sac contenant un joyeux mélange de vieille pizza, sauce tartare et reste de cendriers ou simple sac de PET. Dans cette folle équipe, on a tous mis nos vies professionnelles de côté. Le reste de l’année, nous sommes, entre autre, coordinateur de développement durable, animateur social, prof de musique, directeur de cœur, chercheur scientifique, ingénieur en environnement et chasseur de morilles. Et pour une semaine, on devient de vrais bagnards, heureux de s’acquitter de notre tâche ingrate d’éboueur dans la journée en ayant le privilège de travailler au grand air et de pouvoir se consacrer pleinement aux concerts fabuleux qu’on trouve au “Cully”.
Entre Temple, Next step et Chapiteau, je me gorge à saturation d’une musique riche qui me requinque l’âme. En matière de jazz, il s’agit de tisser un réseau de guirlandes, de passerelles et de chaîne d’or entre différents rivages et laisser les côtés les plus petits et mesquins de nos sociétés et de nos vie se désagréger devant la Musique avec un grand M. Allez savoir pourquoi, dans la chaleur de ces salles de concert, des images et des mémoires de voyages, de créations et de l’or pur dont sont fait les amitiés et les amours  surgissent en moi. Et une certaine félicité se répand en moi quand je réalise au moment des applaudissements que je fais partie à part entière de cette alchimie. J’ai ma contribution, petite mais nécessaire, dans l’équation qui réunit ici la virtuosité des artistes, la volonté des organisateurs du festival et le public.
Et pour le travail ingrat, je ne changerai pour rien au monde, car conduire un van rempli d’ordures puantes et de poubelles boy hurlant est une sensation ou un sentiment à part entière. Idem pour les batailles de croquettes avec les bouteilles de blancs, les lancés de sacs de PET et la mastication goulue de la compacteuse, éternellement fidèle à son poste de compacteuse et broyeuse. Un travail qui réveille le héro qui sommeille en nous.
Un grand toast aux passionnés qui organisent ça tout au long de l’année, aux staffs qui rendent tout ceci réalisable, aux artistes et à l’heureux public qui justifie tout ce charivari. Et un dernier pour le Lac et ses montagnes qui a certainement sa contribution à la magie du moment.






 

11.04.2013